GARCIA Jean-Pierre
Henri Duparc vient de disparaître. Avec lui s´éteint l´une des plus grandes figures du cinéma africain. Henri Duparc a su allier la recherche de l´auteur à la volonté permanente de toucher le public populaire, dans son pays la Côte d´Ivoire comme dans toute l´Afrique de l´Ouest. Cette qualité rare se passait de commentaires, il suffisait de voir à quel point les Sud–Africains, aux premiers jours de la démocratie, étaient désireux d´acquérir les droits et de diffuser des films comme Bal Poussière ou Rue Princesse...
Qui a pu assister aux projections de Bal Poussière à Ouagadougou ou à Abidjan sait à quel point ce que succès populaire veut dire en Afrique de l´Ouest. Un public qui dialogue avec les comédiens, qui les apostrophe et leur souffle les répliques. Des comédiens qui sont devenus de vraies vedettes : Hanny Tchelley, la quatrième épouse ou Demi Dieu, un acteur dont on a oublié le nom tellement il est confondu avec le personnage qu´il a créé dans Bal Poussière. La créativité d´Henri Duparc reposait sur une parfaite maîtrise du langage cinématographique, un vrai sens du comique de situation et une volonté de s´opposer aux travers de la société dans laquelle il vivait.
Henri Duparc avait choisi de vivre en Afrique. Il était resté dans son pays pour écrire, produire et réaliser ses films. Son apparente distance, sa retenue et son sens de l´humour à froid faisaient de lui un observateur attentif de la société ivoirienne. L´une de ses plus grandes (et pertinentes) remarques reposait sur la captation de la langue populaire. Henri Duparc a su reconstituer en la poussant parfois jusqu´à la caricature bienveillante « le français d´Abidjan », cette langue savoureuse qui prend les formules au pied de la lettre et leur donne une force nouvelle. Henri Duparc était un formidable dialoguiste qui écrivait tous ses textes avec méticulosité et par là m ? maîtrisait totalement la direction d´acteurs. Le sens de l´humour du réalisateur n´excluait pas, loin s´en faut, la réflexion et l´engagement. D´où sa sensibilité aux questions du racisme, de l´immigration et de la perte d´identité. Henri Duparc est rentré dans l´histoire du cinéma africain. Il rejoint les grands anciens comme Oumarou Ganda le Nigérien, Djibril Diop Mambéty le Sénégalais ; Lionel Ngakane le Sud–Africain... Il nous manque déjà.