Interviews

BALTA Bérénice, Radio France Internationale, 2004

L´humour, c´est quoi ?

C´est une certaine façon d´appréhender la vie. L´humour est à manier avec délicatesse. Il doit tout au plus égratigner et non pas blesser. Au nom du respect humain, de l´éducation humaniste que j´ai reçue, je m´interdis dans mes oeuvres qui flirtent avec l´humour, de me prendre pour un justicier.

Et les pouvoirs qui interdisent l´expression artistique ?

En général, les pouvoirs qui interdisent l´expression artistique sont issus de sociétés primitives. Ils ont peur du moindre signe de modernité. Dans des pays comme l´Iran on interdisait les haut–parleurs dans les mosquées parce qu´ils étaient des outils du diable. Que dites–vous du "bien" et du "mal"
Si je suis affecté par les attentats de New York, je rejette cependant le manichéisme. Il n´y a pas d´un côté le mal et de l´autre côté le bien. Je suis un citoyen du monde, et c´est en ce sens que je me sens bien partout particulièrement à Abidjan. Abidjan, c´est la synthèse de l´Afrique et l´Afrique est le seul continent où il se passe encore réellement quelque chose, parce que les africains sont la vie. Ils ne sont pas dans la vie. Ils sont la vie.

Peut–on dire que BAL POUSSIERE vous a ouvert beaucoup de portes ?

C´est sûr que " Bal Poussière " m´a fait connaître à l´étranger, en Amérique et au Canada, etc ! Mais le problème du cinéma est que, quel que soit le succès d´un film, il ne sert jamais de tremplin pour le suivant. On rencontre toujours les mêmes difficultés à monter une production. Un film est une entité, mais à chaque fois, il faut surmonter des montagnes de difficultés pour réaliser le suivant.

On peut en énumérer ...

Ce n´est pas systématiquement les mêmes financiers qui interviennent. Ceux qui ont produit " Bal Poussière " ne sont pas les mêmes qui ont produit " Rue Princesse "...Chaque fois, c´est une remise en cause totale. Chaque film est une aventure et systématiquement un coup de poker. Quelqu´un m´a dit un jour : " fais une étude de marché ! ". Mais on ne fait pas une étude de marché quand il s´agit d´une oeuvre d´art ! On ne dit pas : aujourd´hui, je vais faire un film sur tel sujet, parce qu´il est à la mode ! On fait un film parce qu´on a un sujet particulier qu´on veut traiter...
Un film africain qui sort se heurte au problème de la distribution. Comment peut–on remédier à cette fâcheuse réalité ? Ce n´est pas un problème qui concerne uniquement la distribution, mais l´industrie cinématographique. On ne peut pas séparer la production, la distribution et l´exploitation. Un produit quel qu´il soit, que ce soit un film ou une savonnette, pour être sur le marché, a besoin d´un distributeur. C´est ce distributeur qui va le placer dans une grande surface et l´ Afrique offre cette surface d´un peu plus de 500 millions d´habitants. Si un pour cent de la population africaine devenait subitement spectateur de cinéma (même à 200 frs cfa la place !) il y a de quoi amortir largement nos productions ! Mais pour avoir cinq millions de spectateurs sur ce continent, il faudrait bien que le cinéma soit organisé. Pas uniquement en Côte d´Ivoire, au Sénégal, au Burkina Faso, mais à l´échelle sous–régionale, continentale...Actuellement, le continent n´est pas porteur financièrement, on est obligé de chercher des retombées ailleurs, en Europe, en Amérique etc.

Ce qui n´est pas évident ?

Je ne pense pas que le rôle de l´Europe soit d´attendre après le cinéma africain. Elle a, elle même, ses propres problèmes de production, d´exploitation, et de distribution. Quand nous exploitons un film américain, ici, en Côte d´Ivoire, en exclusivité, c´est que ce film a déjà été amorti aux Etats Unis ; alors que nous ce n´est pas l´Afrique qui est notre premier marché l´Europe. Et s´il ne fait pas de recettes là–bas, c´est un fiasco financier.

Un exploitant de salle africain, a dit ceci : " le film africain, à l´affiche, ne fait pas recette ". Si le cinéma africain ne fait pas recette, c´est parce qu´il est enfermé dans une sorte de cellule, ou il ne peut pas évoluer normalement. Si le cinéma en Afrique était correctement organisé, les places seraient à 200 FCFA ou 300 FCFA Comment veut–on attirer le public africain, quand on lui propose, en exclusivité un film à 2500 FCFA ? C´est énorme ! La marchandise qui est offerte est trop chère...Quand on dit que le cinéma Hindou est riche de production et riche de recette, c´est parce que les premiers spectateurs des films Hindous, sont les hindous eux–mêmes, et les prix sont calculés en fonction de leur PNB ;

Une récompense, un prix, ça compte beaucoup pour un cinéaste ?

Ca compte pour ce qu´il est. En général, je ne me focalise pas la – dessus. Ca fait plaisir, ça correspond un peu aux acclamations qu´une troupe de théâtre récolterait à la fin d´un spectacle ; ça correspond aux vivats qu´un chanteur récolterait à la fin de son spectacle... Il permet quelque part à un film de se faire connaître. Cinq ou six mois après, c´est fini.

Votre carrière est riche : des documentaires, des courts–métrages, des feuilletons télévisés, des longs–métrages. Quels ont été vos modèles de cinéastes ?

Il y en a quelques uns, mais je retiens principalement Frédérico Fellini (paix à son âme.) Voir "les Nuits de Cabiria" " 8 ET1/2 etc). Ce cinéaste italien m´a donné l´envie de faire du cinéma.

Bérénice Balta– Radio France Internationale, octobre 2004







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